G7 à Biarritz : 4 aberrations au sommet

Le sommet international G7, rassemblant les chefs de sept états parmi les plus riches de la planète (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) se tiendra cette année à Biarritz du 24 au 26 août.
Au-delà de toute considération idéologique, au-delà de toute opinion sur les thèmes qui y seront abordés, au-delà de toute appréciation de l’efficacité d’un tel format de rencontres, l’organisation d’un tel événement à Biarritz au mois d’août est une véritable aberration.

Ou plus exactement le cumul de quatre aberrations.

Une aberration écologique

Il est facile de comprendre que le bilan carbone d’un sommet international de type G7 est absolument désastreux.

Imaginez la débauche d’énergies fossiles et le niveau d’émission de CO2 généré par l’incessante noria d’avions présidentiels, de vols spéciaux, de jets privés et militaires, d’hélicoptères, de limousines blindées, de véhicules de maintien de l’ordre, de bus de journalistes et de diplomates, de navires de guerre au large de Biarritz …

Triste ironie de la chose, l’une des priorités de la présidence française pour ce G7 est la lutte contre le changement climatique.
Un peu comme si l’on organisait une course de dragsters pour promouvoir les mobilités durables …

En ce début de XXIème siècle, la technologie offre pourtant des solutions alternatives, permettant un travail efficace à distance tout en réduisant drastiquement les déplacements : vidéoconférences, plates-formes numériques de travail collaboratif, etc.

Mais les grands de ce monde semblent hélas l’ignorer …

Une aberration économique

Le coût d’organisation d’un G7 est prohibitif

Le sommet 2018, qui s’est tenu à La Malbaie au Québec a coûté plus de 600 millions de $CA (soit près de 400 millions d’euros) aux contribuables canadiens et il n’y a aucune raison pour l’édition française de 2019 soit franchement plus économe.

Pour le sommet biarrot, selon Le Canard Enchaîné du 22 mai dernier, le seul coût du dispositif policier (hors personnels militaires) s’élève déjà à la bagatelle de 24 millions d’euros, sans compter les heures supplémentaires et les primes des membres des forces de l’ordre concernés.

Ajoutez-y par exemple tous les frais de déplacement, d’hébergement, de restauration, des quelques 6.000 diplomates et personnels (sherpas, assistants, etc.) mobilisés pour l’occasion, les frais de location et d’aménagement des espaces prévus pour le sommet, les dépenses logistiques afférentes et la carte prépayée de 75 euros pour dîner en ville offerte aux 4.000 journalistes couvrant l’événement et vous aurez une idée du montant de l’addition pour les contribuables.

Enfin, amère cerise sur le gâteau des Biarrots, le chantier de rénovation de l’Hôtel du Palais a été mené à une cadence infernale afin de pouvoir rouvrir coûte que coûte l’établissement dans les temps.
Comme le précise PressLib, « le chantier n’a été interrompu ni pendant les vacances de Noël, ni pendant les week-ends et les autres jours fériés, avec des horaires en accord avec l’enjeu, qui était de pouvoir accueillir les touristes pendant l’été, mais aussi et surtout les diplomates et chefs d’état pendant le G7 du mois d’août. »
Dans ces conditions, il y a fort à parier que le budget des travaux n’explose.
Des sources proches du dossier évoquent ainsi un montant final de plus de 100 millions d’euros, au lieu des 64 millions officiellement annoncés par le maire de Biarritz.

Aux larmes citoyens !

Les retombées économiques sont (au mieux) hypothétiques

Les thuriféraires du G7 biarrot nous font miroiter monts et merveilles en termes de retombées économiques locales. A les entendre, cet événement générerait une sorte de manne céleste et providentielle qui se déverserait à profusion sur notre territoire.

La vérité est très différente.

Un an après la tenue du G7 au début du mois de juin 2018 à La Malbaie, la presse canadienne a profité de cet anniversaire pour faire le point sur les retombées économiques du sommet et le constat est tristement sans appel.

Le Journal du Québec écrit ainsi : « quand on demande aux gens du coin ce qu’il en reste un an plus tard, il n’y a rien pour marquer les esprits, excepté la facture de plus de 600 millions de dollars. »

Pour le journal Le Devoir, « le passage du G7 à La Malbaie les 8 et 9 juin 2018 n’aura laissé que des miettes à la population locale. »

Interviewé par Radio-Canada, le spécialiste du tourisme Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat à l’Université du Québec à Montréal, déclare : « à part pour les gens de La Malbaie qui risquent de s’en rappeler longtemps, ça ne changera pas grand-chose et l’année prochaine, La Malbaie ne sera pas une destination touristique plus importante parce qu’on a eu le G7 cette année. Pas du tout. »

Par quel miracle les retombées seraient-elles différentes à Biarritz ?

Mis à part quelques entreprises fournisseurs du G7 qui verront – et tant mieux pour elles – leur chiffre d’affaires augmenter au mois d’août prochain, l’immense majorité des acteurs économiques du Pays Basque ne profitera en rien de la tenue du sommet biarrot (ou pire, seront entravés dans l’exercice de leurs activités compte tenu des contraintes de circulation qui pèseront sur la Côte Basque).

Quant à l’augmentation de notoriété vantée par les encenseurs de la tenue du G7 à Biarritz, il s’agit d’une vaste fumisterie.
Outre le fait que Biarritz et le Pays Basque bénéficient déjà d’un solide renom sur le marché du tourisme international, qui se souvient du nom des villes dans lesquelles se sont tenus les derniers G7 ?

L’impact sur l’économie locale sera très négatif

L’économie de Biarritz et du Pays Basque est essentiellement touristique, avec plus de 9.000 emplois directement liés à ce secteur d’activité.

Comment imaginer que l’organisation d’un sommet international du 24 au 26 août, empiétant donc sur la haute saison, puisse générer des effets positifs sur la fréquentation touristique ?
Tout au contraire, il paraît évident que de nombreux vacanciers, à juste titre peu enclins à subir des contraintes ou à s’exposer à des désagréments durant leurs congés, choisiront malheureusement d’autres destinations cet été.

Si les hôteliers et les restaurateurs tireront sans doute leur épingle du jeu (après tout, il faudra bien que les participants au G7 mangent et dorment lorsqu’ils séjourneront à Biarritz ou aux alentours), il n’en sera pas de même, loin s’en faut, pour tous les autres acteurs économiques.

Le Biarritz Olympique par exemple, ne pourra pas profiter de la première rencontre de la saison de Pro D2, traditionnellement jouée à domicile afin de profiter de l’affluence estivale, puisque les installations d’Aguilera seront réquisitionnées par les forces de l’ordre.
Le club envisage donc, contraint et forcé, de délocaliser ce match au stade d’Anoeta à San Sebastian et estime sa perte de billetterie à 200.000 euros.

Et que dire des commerces situés dans les deux zones de protection qui couvrent une grande partie du territoire de Biarritz ou des professionnels du Pays Basque qui doivent s’y déplacer ?
Entre les interdictions de circuler et de stationner, les contrôles de police avec fouille de véhicules, la présentation obligatoire de badges et de macarons, nul doute que leur chiffre d’affaires d’août, le plus important de l’année pour la plupart d’entre eux, subira une sévère baisse.

Frédéric de Oliveira, président des Taxis de Bayonne, déclarait ainsi à Sud Ouest : « le G7, pour nous, c’est dix jours de travail perdu. »

Certains ont même décidé de ne pas ouvrir, à l’instar du Casino de Biarritz qui sera fermé 4 jours et 4 nuits pendant le G7, avec un impact négatif sur les finances de la Ville, puisqu’elle ne percevra donc pas pendant cette période le prélèvement communal sur le produit des jeux dans les casinos.

Après une saison 2018 en demi-teinte, les acteurs économiques de Biarritz et du Pays Basque n’avaient vraiment pas besoin de ça …

Une aberration sécuritaire

Les experts de la sécurité et du maintien de l’ordre sont unanimes : tenir un G7 à Biarritz au mois d’août est une hérésie.

« Un G7 à Biarritz, à ces dates-là, c’est une énorme connerie », déclarait Philippe Capon, secrétaire général de l’UNSA-Police, au magazine L’Express.
Le policier déplorait également « le choix d’un site enclavé, proche de la frontière espagnole », avec une population doublée sous l’effet de la fréquentation estivale et « qui coche toutes les cases pour qu’on soit mis en difficulté ».

Il rejoignait en cela un haut gradé de la gendarmerie française qui confiait au Journal du Dimanche : « à part ceux qui ont pris cette décision, tout le monde s’accorde à dire que c’est une absurdité ».

De son côté, dès le début de l’année, la DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure) faisait part, dans une note confidentielle, de ses vives inquiétudes quant aux risques de violence encourus lors du G7 biarrot.
Le service de renseignements s’attend en effet à ce qu’une internationale de casseurs (l’ultra-gauche et l’ultra-droite françaises et européennes, les Black Blocs, …) converge vers Biarritz et ses environs et se livre à des affrontements entre mouvances et avec les forces de l’ordre.

En réponse à ces menaces, le dispositif de sécurité promet d’être impressionnant :
plus de 10.000 personnels seront présents (police, armée et forces de sécurité des délégations étrangères), des bâtiments de guerre croiseront au large de Biarritz et des batteries antimissiles seront déployées au sol.

Selon Benoist Fechner, journaliste d’investigation à L’Express : « à l’échelle nationale, un tiers des effectifs des compagnies de sécurisation et d’intervention sont invités à prêter main-forte au dispositif G7, un tiers également pour le Renseignement territorial, et 10 % des équipiers des BAC seront sur le pied de guerre. Le centre de déminage local vient d’être réapprovisionné en prévision du sommet et, de la police aux frontières de Marseille aux motards de Troyes, des flics des quatre coins du territoire convergeront vers le Pays basque. »

Le dispositif judiciaire sera lui aussi lourdement renforcé, puisqu’une trentaine de fonctionnaires du ministère de la Justice (procureurs, greffiers, juges) et une centaine de fonctionnaires de la police judiciaire seront temporairement en poste sur Bayonne pendant le G7.
Le Centre de Rétention Administrative d’Hendaye sera quant à lui fermé tout le mois d’août, car ses locaux serviront de bureaux afin que les personnes placées en garde à vue puissent être interrogées et s’entretenir avec leurs avocats.

Tout cela n’empêche pas Michel Veunac, maire de Biarritz, de déclarer au journal Le Parisien, dans son édition du 10 juin : « la vie va continuer normalement pendant cet événement. Biarritz ne sera pas un bunker ! »…

Une aberration pratique

Ceux qui ont vécu le sommet franco-africain de novembre 1994 ou le conseil européen informel d’octobre 2000 croient connaître le niveau des contraintes qui pèsent sur les habitants de Biarritz lorsqu’elle accueille un sommet international.
Ils sont très en-deçà de la vérité car, outre le fait que ces deux événements se sont tenus hors-saison, depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New-York, les dispositifs de sécurisation de ce type de rencontres se sont incroyablement durcis.

Biarritz et les communes de la Côte Basque et du sud des Landes en feront la pénible expérience au mois d’août prochain.

Jugez-en à partir des informations qui ont déjà été portées à la connaissance du public :

– deux zones de protection, la Z1 ou zone dite « rouge » ou « de protection renforcée » et la Z2 dite « bleue » ou « zone de protection », seront activées sur Biarritz à partir du vendredi 23 août au lundi 26 août en fin d’après-midi

– La circulation automobile et le stationnement (y compris dans les parkings souterrains) seront totalement interdits dans la zone rouge, à laquelle ne pourront accéder (et uniquement à pied), que les résidents et les « ayants droit » (commerçants, salariés, professionnels de santé, etc.)

– d’après nos informations, la zone rouge sera elle-même divisée en 3 « sous-zones » et il faudra présenter badges et pièces d’identité pour passer de l’une à l’autre

– la zone bleue sera uniquement accessible à ses résidents et ses « ayants droit », à condition qu’ils soient munis de badges et de pièces d’identité et que leur véhicule soit doté d’un macaron, étant entendu que le badge « zone bleue » ne donne pas accès à la zone rouge

– la circulation sera totalement interdite sur le trajet entre l’aéroport de Biarritz et la zone rouge, c’est-à-dire : la portion de RD 810 entre l’aéroport et le rond-point du Mousse, la portion de BAB entre le rond-point du Mousse, le rond-point Kléber et le rond-point de l’Europe et toute l’avenue de la Marne ;
le stationnement sera également interdit sur toute la longueur de cet axe, qui, de plus, ne pourra être traversé que ponctuellement.

– toutes les personnes dont le logement donne sur les lieux accueillant des réunions de chefs d’Etat (grands hôtels, le casino, l’Espace Bellevue et la Grande Plage) devront garder leurs volets fermés vingt-quatre heures sur vingt-quatre et donc rester dans le noir complet pendant les quatre jours du sommet

– l’accès à la Grande plage sera interdit, ainsi que l’ensemble des activités nautiques aux abords immédiats

– l’aéroport de Biarritz, réquisitionné pour accueillir les délégations officielles, sera fermé du jeudi 22 août au soir jusqu’au lundi 26 août inclus et le stationnement interdit sur tous ses parkings du 23 au 26 août.

– les gares de Bayonne, Biarritz, Guéthary, Boucau, Hendaye Deux-Jumeaux seront fermées au public du vendredi 23 août au lundi 26 août 2019 jusqu’à 16h00 et le trafic TGV sera également limité le 22 et le 26 août.

Qu’il est loin l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 qui stipule : « toute personne a le droit de circuler librement » …

A partir de cet amoncellement de contraintes et de désagréments, il est assez simple d’anticiper les difficultés que rencontreront les Biarrots et les habitants du Pays Basque pendant cette période.
Deux exemples suffiront à les illustrer.

Le travail des professionnels de santé et de l’aide à la personne sera terriblement compliqué, voire pire, en particulier dans la zone rouge, dans laquelle ils ne pourront pénétrer qu’à pied.
Compte tenu de la démographie biarrote, le nombre de personnes âgées plus ou moins dépendantes résidant en zone rouge est à l’évidence important.
Comment les visiter toutes à pied en devant transporter une lourde sacoche de matériels de soins ou des plateaux-repas ?

Le chantier de rénovation du Lycée Hôtelier de Biarritz va quant à lui prendre 6 mois de retard, car il hébergera des forces de sécurité cet été et les travaux, au lieu de commencer au printemps 2019 comme prévu, ont été repoussés à la rentrée.
Et au lieu de se dérouler en juillet et août, sans gêner les élèves et les enseignants, ils auront lieu dans le courant de l’année scolaire …

 

Pour toutes ces raisons, ce G7 n’aurait jamais dû se tenir à Biarritz à cette période de l’année.

Mais pour cela, encore aurait-il fallu que le maire de Biarritz et son premier adjoint aient le courage d’assumer pleinement leurs responsabilités et de défendre les Biarrots et les habitants du Pays Basque, en expliquant clairement au Président de la République les inconvénients majeurs d’une telle date dans un tel lieu.
Il n’en a malheureusement rien été et Emmanuel Macron a lui-même expliqué à Sud Ouest la manière dont se sont passées les choses : « lorsque les dates ont changé pour cause de G20 au Japon et d’élections au Canada, j’ai questionné Michel Veunac sur les possibilités d’accueillir le sommet fin août, cela a paru envisageable. »

N’en déplaise au maire de Biarritz, ce n’était pas envisageable et cela n’aurait pas dû être envisagé. Sauf à préférer les petits fours aux vraies gens.

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9 Comments
  • Reply
    Jacques SAURY
    27 juin 2019 at 8 h 06 min

    Bonjour Monsieur,
    Je partage certaines de vos analyses mais… Je profiterai d’un article prévu sur mon propre blog pour vous répondre
    Bien à vous,
    Jacques Saury

    • Reply
      François Amigorena
      27 juin 2019 at 10 h 17 min

      Merci Jacques !
      Je vous lirai attentivement et avec plaisir.

  • Reply
    gerard piton
    27 juin 2019 at 8 h 45 min

    Merci François Amigoréna……6000 diplo+4000 journ+ 10 a 12000policiers+1000 perso garde privé trump + ++Nous arrivons a un chiffre impressionnant Nous sommes en plein délire ….pour le Palais 100 millions de travaux !!! Quand aux habitants j’espère qu’ils aurons de la mémoire au moment de voter dans qq mois

  • Reply
    Dany Nopal
    27 juin 2019 at 9 h 54 min

    Merci de cet Article , faisant parti de la Plateforme G7/EZ pour un autre monde j’espère qu’il sera largement diffusé. D’autant que d’autres mesures sont en préparation et que les Biarrots et plus généralement la population du Pays Basque ne sont pas au bout de leurs difficultés .

  • Reply
    Jean-Yves VIOLLIER
    30 juin 2019 at 16 h 47 min

    Bravo pour cet article sérieux et documenté. Je partage totalement ton avis, François. Je trouve même que tu es particulièrement gentil en te limitant à quatre aberrations. Une fois de plus l’ego du maire a prévalu sur l’intérêt de la Ville.
    On s’en souviendra.

  • Reply
    Lucie
    6 juillet 2019 at 9 h 46 min

    C’est quoi la zone bleue?

  • Reply
    Françoise CREPEL
    18 juillet 2019 at 20 h 43 min

    Bravo pour ce blog concernant le G7 ! Tout est dit correctement et c’est très explicite ! Cordialement ! Amitiés !
    Françoise de Biarritz

  • Reply
    Maryse LABORDE
    13 août 2019 at 14 h 53 min

    Enfin un article de bon sens. Certains intérêts priment dans cette « belle » société. N’hésitons pas à montrer notre mécontentement. Merci pour cet article.
    Maryse

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