Hôtel du Palais : danger manifeste et imminent !
Voici le texte de mon intervention en Conseil Municipal de Biarritz du 30 juillet 2018 durant lequel j’ai voté contre le projet de bail emphytéotique de 75 ans visant à apporter à la Socomix le foncier et les murs de l’Hôtel du Palais, en raison :
– du refus de Monsieur le Maire de fournir aux conseillers municipaux des informations pourtant essentielles
– des risques financiers très inquiétants que fait courir ce projet à Biarritz et aux citoyens-contribuables biarrots
– du calendrier affolant de cette opération.
Mes chers collègues,
Nous ne sommes pas toujours tous d’accord sur tout, c’est la normalité des choses dans une assemblée telle que la nôtre et finalement l’essence même du débat démocratique que nous nous devons d’avoir entre nous.
Je crois que nous pouvons pourtant tous nous rejoindre sur trois éléments essentiels :
– nous souhaitons tous pouvoir exercer notre mandat d’élu de manière responsable, en disposant de l’ensemble des informations nécessaires à l’éclairage de nos prises de décision,
– nous souhaitons tous éviter à notre municipalité de prendre des risques inconsidérés, susceptibles de mettre gravement en danger ses équilibres financiers,
– nous souhaitons tous éviter les décisions prises dans la précipitation et donc nuisibles à une conduite sérieuse, sereine et réfléchie de la gestion de notre Ville.
La délibération qui nous est proposée ce soir, visant à autoriser la signature d’un bail emphytéotique d’une durée de 75 ans entre la Ville de Biarritz et la Socomix, la société d’exploitation de l’Hôtel du Palais, ne va malheureusement pas en ce sens.
Une information totalement insuffisante
La Commission Générale du 18 juillet dernier a en effet été une énorme frustration pour beaucoup d’entre nous, tant l’information qui nous y a été communiquée s’est avérée incomplète, partielle, voire parfois partiale.
Alors que nous sommes censés engager Biarritz pour 75 ans (soit trois générations de Biarrots !) et pour des montants financiers considérables (au minimum 65 millions d’euros et vraisemblablement plus !), nous n’avons obtenu aucune précision sur :
– le plan d’affaires proposé par le groupe hôtelier Hyatt (les chiffres d’affaires et les résultats financiers prévisionnels, les indicateurs de gestion tels que le prix moyen des chambres, le taux d’occupation, le revenu par chambre disponible, etc.)
– les résultats des analyses de sensibilité qui ont été, je l’espère, réalisées sur ce plan d’affaires, c’est-à-dire le calcul de l’impact financier de performances commerciales qui seraient inférieures à celles annoncées par Hyatt
– le contrat de gestion qui sera signé avec Hyatt (la durée de ce contrat, la rémunération exacte et les engagements de l’opérateur, les clauses de sortie et les pénalités éventuelles, le devenir du personnel actuel de l’Hôtel du Palais, etc.)
– la valorisation de la propriété « Hôtel du Palais » (foncier et murs)
– la valorisation du fonds de commerce de l’Hôtel du Palais, qui est aujourd’hui propriété de la Ville et dont on nous a annoncé qu’il serait transféré à la Socomix, mais sans nous communiquer le montant financier de ce transfert
– l’ingénierie juridique et financière qui sera adoptée pour financer un programme de travaux de rénovation pour l’instant évalué à 64,4 millions d’euros (quel est le montant emprunté auprès des banques, quelles garanties sont-elles prises par celles-ci, quels sont les taux obtenus, quel est le montant levé auprès d’investisseurs, qui sont ces investisseurs, quel pacte d’associés sera signé avec ces nouveaux actionnaires de la Socomix ?)
En l’absence de toutes ces informations pourtant essentielles, comment pourrions-nous sérieusement et pleinement jouer notre rôle d’élus responsables et autoriser en conscience la signature de ce bail emphytéotique ?
Un bail insuffisamment protecteur des intérêts de Biarritz et des Biarrots
De plus, ce bail ne protège pas suffisamment, et de loin, les intérêts de Biarritz et des citoyens-contribuables biarrots.
La redevance de 920 000 euros est 3 à 4 fois inférieure au loyer que l’on pourrait raisonnablement tirer d’un ensemble foncier et immobilier aussi prestigieux et aussi exceptionnellement placé.
Il ne mentionne aucune obligation pour la Socomix de conserver à l’hôtel du Palais son statut de palace et lui permet même de céder les droits réels qu’elle obtiendrait en le signant.
Il ne comporte pas de clause suspensive et nous engage donc irrévocablement, même s’il s’avérait que la valorisation du fonds de commerce, le plan d’affaires de l’opérateur, le montant et le calendrier des travaux, ou leur mode de financement ne nous convenaient pas.
Et il y a fort à parier que cela puisse être le cas.
Une prise de risque déraisonnable
J’en veux pour preuve cet article, publié dans la Semaine Du Pays Basque du 22 septembre 2017, et dans lequel Monsieur le Maire déclarait, je cite :
« [La négociation avec Four Seasons] n’a pas abouti à ce jour, car le montant des travaux finalement exigé pour mettre l’hôtel aux normes du groupe a atteint le chiffre de 64,5 millions d’euros.
De plus le plan d’affaires proposé par Four Seasons a été jugé par les experts financiers comme insuffisant pour couvrir un tel investissement. » Fin de citation.
Aujourd’hui, le montant prévu de travaux s’élève à 64,4 millions d’euros (sans compter les surcoûts probables inhérents à un chantier de cette ampleur sur un bâtiment historique qui peut réserver bien des mauvaises surprises) et est donc le même que celui envisagé par le groupe Four Seasons (qui de plus versait un key money non remboursable de 7 millions d’euros à la signature du contrat de gestion, ramenant ainsi le coût net des travaux à 57,5 millions d’euros).
D’autre part, le plan d’affaires d’Hyatt, auquel j’ai eu accès lorsque j’étais encore administrateur de la Socomix, est pratiquement similaire (et même plus optimiste sur certains indicateurs) à celui proposé par Four Seasons l’an dernier.
Donc, un montant de travaux et un plan d’affaires jugés hier totalement déraisonnables au point de motiver la rupture unilatérale des négociations entamées avec Four Seasons seraient devenus douze mois plus tard parfaitement crédibles : par quel miracle ?
Un calendrier inutilement précipité
Enfin, le calendrier induit par l’éventuelle signature de ce bail emphytéotique est effrayant tant il met en danger les intérêts de la Ville et de la Socomix.
En effet comment serait-il possible de négocier avec la fermeté et l’efficacité requises le contrat de gestion avec Hyatt, les marchés de travaux avec les entreprises, les emprunts bancaires et l’entrée au capital de nouveaux investisseurs, alors que tous ces fournisseurs savent pertinemment que nous nous sommes passés la corde au cou en annonçant un démarrage des travaux le 18 octobre prochain ?
Et quelle urgence y a-t-il à suivre aveuglément ce planning ? Aucune !
Le groupe Hyatt est à ma connaissance tout à fait prêt à prendre l’Hôtel du Palais en gestion avant le démarrage des travaux de rénovation et les chefs d’états participants au G7 l’an prochain ont déjà séjourné dans des établissements auxquels le Palais dans son état actuel n’a rien à envier, comme le Manoir Richelieu à La Malbaie cette année ou le San Domenico à Taormina l’an dernier.
Nul doute que notre établissement biarrot saura les héberger dignement l’été prochain en l’absence d’une première tranche de rénovation, qui, si elle était livrée avec retard, ferait de Biarritz la risée du monde entier.
Repoussons donc la date de démarrage des travaux et prenons tout le temps nécessaire pour négocier sereinement l’ensemble de nos engagements contractuels. Nous maximiserons ainsi nos chances d’obtenir les meilleures conditions de la part de nos fournisseurs et de sécuriser l’ensemble de cette opération complexe.
Mes chers collègues, la décision que nous devons prendre ensemble ce soir est sans aucun doute la plus importante de ce mandat, celle dont les conséquences seront les plus lourdes pour l’avenir de Biarritz et des Biarrots.
En l’absence d’informations suffisantes sur l’économie générale de l’opération, en présence d’un projet de bail emphytéotique qui ne protège pas suffisamment les intérêts de la Ville, face à une prise de risque et à un calendrier déraisonnables, il est me semble-t-il de notre devoir d’élus responsables de voter contre la délibération qui nous est proposée ce soir.
C’est en tout cas ce que je ferai et je demande à ce que ce scrutin se tienne à bulletins secrets afin de permettre à chacun de s’exprimer librement, en son âme et conscience.
Je vous remercie.